LE PONT DE LA RIVIERE KWALE,
UN PONT « BAILEY »
DANS L'ILE
DE MAYOTTE.
.Michel Krempper, Bulletin
Sciences et Techniques de l'Association
Française de Philatélie Thématique (AFPT).
Figure 1.
Enveloppe et cachet Premier jour, TROPIXEL, pour la
SMPC
L'émission
du 25 septembre 2004 consacrée à ce pont est l'occasion
d'attirer une nouvelle fois
l'attention
sur la production
philatélique de cette lointaine collectivité territoriale
française de l'Océan
Indien ainsi que sur
un type de pont, aussi courant que peu connu : la famille des
ponts dits « Bailey ».
Mayotte : des émissions particulières reprises en 1997.
Faut-il le rappeler ? Située par 45°10 de
longitude Est et 12°50 de latitude Sud, Mayotte appartient
géographiquement et culturellement à l'Archipel
des Comores. Mais en 1975, elle s'en
est politiquement détaché,
lors d'un
référendum, ses
habitants refusant de suivre les autres îles comoriennes dans la
voie de l'indépendance,
préférant
trouver une place propre au sein de la République française.
Aujourd'hui,
l'île
évolue vers la voie de Département d'Outre-Mer mais n'en est pas
un : constitutionnellement, elle a le statut de « collectivité
territoriale spéciale » . Entre autres avantages celui-ci lui
permet de disposer de timbres propres : depuis 1997, date à
laquelle ont repris les émissions Mayotte, interrompues en 1911.
Dans l'océan
de la production mondiale de figurines postales, celles de
Mayotte
sont intéressantes pour le collectionneur, à plusieurs titres :
le rythme d�émission
est raisonnable :
une quinzaine par an et seulement 2 PAP en 7 ans ; les sujets
des timbres sont un bon reflet de la géographie, la faune, la
flore, la culture, l'équipement
et des traditions propres
à cette île (musulmane à 95%); la conception des timbres fait le
plus largement appel aux artistes locaux.
L'émission du 25 septembre
2004
Les
timbres de Mayotte sont produits par l'ITVF
de Périgueux. Comme pour la plupart , le tirage
du Pont de la rivière Kwalé s'est
monté à 140000 exemplaires. L'impression
a été réalisée par feuilles de 25 timbres en offset, au mois d'août
2004.
Figure 2 .
Coin daté 12.08.2004
La vignette postale est
rectangulaire, de dimension 36 x 26 mm.
L'artiste
Ce
timbre a été conçu à partir d�une
aquarelle de Christine LOUZE qui a
habité Mayotte durant 4 ans. Auparavant, LA POSTE lui avait
confié cinq autres timbres, dont le très caractéristique
« Masque de Fête » émis en avril 2003.
L'aquarelle
est une technique très appréciée de ce peintre qui dit aimer ses
transparences. De fait, chacune de ses productions postales
antérieures a été réalisée avec ce procédé. S'agissant
du Pont sur la Kwalé, il lui a
permis de restituer au mieux la rivière, ses reflets et ses
rives, le paysage forestier tropical environnant, la pirogue et
les trois mahorais. Grâce à l'aquarelle,
la rigidité géométrique de la construction se trouve
parfaitement mise en évidence.
Figure 3.
Maquette remise à LA
POSTE par Christine Louzé.
Localisation et intérêt du pont
Situé sur la RN 2, deuxième axe routier majeur de
l'île de
Mayotte, l'ouvrage
enjambe la rivière Kwalé, presque à son embouchure. Localisé
entre les deux villages de Tsoundzou 1 et Tzoundzou 2 sur la
commune de Passamainti (cf. cachet 1° jour, figure1), il
commande la sortie Sud de Mamoudzou, principale ville de l'Île.
Figure
4 .
Localisation (Kwalé s'écrit
aussi
Koualé)
L'augmentation
démographique
extrêmement rapide de Mayotte, passée en moins de 20 ans de
90000 à 150000 habitants et celle du parc automobile qui
accompagne l'élévation
du niveau
de vie font de ce pont un équipement important de la vie
locale, probablement appelé à être dédoublé à court terme,
voire remplacé purement et simplement.
Le
pont actuel
L'ouvrage
consacré par
le timbre a été construit en 1991, à la suite de l'effondrement
d'un pont
plus ancien en pierre, emporté par une crue : n'oublions
pas que nous
sommes ici sous les tropiques. Cyclones et pluies peuvent y
faire des ravages dévastateurs.
Son montage a donc été effectué dans l'urgence.
C'est pourquoi, la Direction
de l'Equipement
a fait appel aux stocks de ponts dits Bailey (voir plus
loin) géré par le Ministère pour faire face aux catastrophes
naturelles et/ou aux circonstances exceptionnelles.
D'une
longueur d'un
peu moins de 31 mètres, il comporte deux travées, appuyées
aux deux extrémités sur deux culées en maçonnerie et, aux
deux-tiers, sur une pile également maçonnée. Pour fendre le fil
de l'eau,
cette pile
comporte un avant-bec, visible sur les photos.
Figure 5 .
Coupe schématique, selon une fiche de visite de la Direction de
l'Equipement
Sa
largeur de 4,30 mètres n'
autorise
qu' une
seule file de circulation
de 3,50 et un trottoir de 0,80 mètres. Le tablier comporte un
platelage en bois, refait en 1998. L'ouvrage
est en
effet très surveillé et bien entretenu, ce qui explique sa
longévité alors que, par définition, ce type de pont est
éminemment provisoire.
Figure 6 . Panneaux latéraux et
trottoir
du pont sur la Kwalé. Photo de Bruno de Villeneuve
Les Ponts Bailey
Le pont Bailey fut développé par un Britannique,
Donald Coleman BAILEY dans le contexte de la Deuxième Guerre
Mondiale. Pour les besoins du Génie Militaire des armées
alliées, Sir Bailey mis au point un prototype de pont à
colombage, d'une
force portative de 40 tonnes, composé de sections en
acier assemblées par des boulons à écrou et des tenons. Chaque
section avait une hauteur de 1,52 m, une longueur de 3,05, un
poids de 272 kg et pouvait être portée par 6 hommes. Par rapport
aux ponts traditionnels, les temps de montage étaient des plus
réduits, de l'ordre
de la vingtaine
d'heure !!!
Le succès du concept fut tel que plus de 650000
sections furent d'abord
produites en
Grande-Bretagne puis par la suite aux USA et au Canada à une
échelle encore plus gigantesque. Durant la seule bataille de
Normandie de 1944, pas moins de 1000 ponts Bailey furent
lancés ! Proportionnée au nombre de sections, leur force
portative variait de 10 à 100 tonnes, la longueur totale de
9,15 à 67, permettant la passage des chars les plus lourds .
Ainsi, ayant plus que prouvé leur efficacité
militaire et contribué à la victoire contre l'Allemagne
nazie,
les « Bailey » continuèrent à être utilisés partout où l'on
a
besoin d'un
pont temporaire ;
après un désastre ou sur de grands chantiers. Sa pose est
simple : des camions amènent les composants, le pont est
assemblé sur place, un bulldozer procède au poussage d'un
côté à l'autre de la brèche à
franchir. Au besoin, on glisse des éléments roulants sous le
pont. Des nouvelles générations de ce type de pont ont aussi été
développées : par exemple les ponts Acrow au Canada.
Le Pont de la Rivière KWALE est dit
du type
D-D. Dans cette vaste famille des Bailey, chaque type de pont est
désigné par une appellation double, utilisant les mots
« simples » « doubles » et « triple » : le premier indique le
nombre de poutrelles élémentaires juxtaposées pour chacune des
deux poutres porteuses ; le second, le nombre de panneaux de
chaque poutrelle. D-D veut donc dire que chaque poutre comporte
2 séries de deux hauteurs de panneaux.
Figure 7
. Le tablier du Pont
de la Kwalé et les panneaux latéraux en montage D-D ( Photo de
Bruno de Villeneuve)
Et les ponts Eiffel ?
Avant de conclure, il serait injuste de ne pas
évoquer dans cet article le nom de Gustave Eiffel. Celui-ci est
en effet attaché à l'île
de Mayotte depuis l'époque coloniale. L'actuelle
Préfecture, à l'origine
Palais du Gouverneur ne doit elle pas ses plans,
sinon sa construction à la Société qu'il
créa pour le développement industriel de ses concepts ?
De plus, 60 ans avant Sir Bailey, le constructeur
du Viaduc de Garabit et sa société avaient mis au point, dès
1879, un type de pont portatif, montable et démontable
rapidement, pour les besoins des armées en campagne et pour le
rétablissement provisoire des moyens de communication et l'ouverture
de
voies de pénétration en pays neufs.
Le principe était le même que celui repris plus
tard par Bailey qui connaissait les ponts portatifs Eiffel et s'en
inspira :
utilisation d'éléments
métalliques standards
légers (de l'ordre
de 145 kg) en
ensembles modulaires , montage et poussage sur place. Divers
pays comme la Bolivie ou les Colonies françaises ,
notamment l'Indochine-, la voirie vicinale
française furent le terrain d'application
par excellence
de ce genre d'ouvrage,
vendu sur catalogue
par la Société Eiffel jusque vers 1950.
Figure
7 .
Pont portatif Eiffel près de Poitiers sur le Clain.
Marcel Prade, Ponts et Viaducs au XIX° siècle.
La grande différence entre les ponts Eiffel et
Bailey est d'
ordre économique :
du fait des quantités produites durant la 2° Guerre Mondiale,
les seconds purent être produits à des coûts défiant toute autre
concurrence. Ce qui permit à l'Administration
française d'en constituer
des stocks importants, de l'ordre
de la dizaine de kilomètres. Et donc d'en doter Mayotte lorsque
la
crue de la rivière Kwalé imposa un remplacement d'urgence.
30.X.2004
Remerciements :
A Christine LOUZE pour sa maquette et ses informations, à Bruno
de VILLENEUVE pour ses photos, à Frédéric BEAUDOIN et Alain
DUBROMER, respectivement Président et Secrétaire Général de la
Société Mahoraise de Philatélie et de Cartophilie (SMPC), à Ali
SOIDIKI de la Direction de la Poste de Mayotte, à la Direction
de l'Equipement
de Mayotte pour
leurs documents.
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