LE PONT
ADOLPHE A LUXEMBOURG
Michel Krempper -
Bulletin Sciences et Techniques de l’Association Française de Philatélie
Thématique |
Construit sous le règne du Grand-Duc Adolphe dans les années 1900-1903,
l’ouvrage constitue l’un des éléments majeurs du patrimoine
luxembourgeois. Il est aussi la référence architecturale maîtresse de
l’ingénieur français Paul Séjourné : à l’époque de sa réalisation il fut
le plus grand pont à arches en pierre maçonnée, avec une longueur de 153
mètres au dessus de la vallée de la Pétrusse et une portée record
de 85 mètres. A ce double titre, il avait naturellement sa place sur le
Bloc-feuillet de la série « Capitales européennes » émis par la Poste
française le 7 novembre 2003. (figure
1).
En tant que réalisation franco-luxembourgeoise, il se devait de figurer
également , en compagnie d’un autre chef d’œuvre, le Pont-Neuf de Paris,
sur la vignette LISA du Salon d’automne 2003 de la CNEP dans le cadre
duquel cette émission a été
lancée.
(figure 2)
fig2 |

fig1 |
Paul Séjourné (1851-
1939) et ses apports à la technique des ponts en pierre.
|
Polytechnicien, ingénieur des Ponts et
Chaussées, il fut Directeur de la Construction à la Compagnie du P.L.M.
et occupait cette fonction lorsqu’on l’appela à intervenir à Luxembourg.
Professeur du cours des ponts en maçonnerie à l’Ecole Nationale des
Ponts et Chaussées (ENPC), il a « condensé » l’essentiel de ses idées
dans un ouvrage magistral « Les Grandes Voûtes » : rien que 8 tomes !
Les ponts du Castelet, Lavaut et Antoinette (1884) de Luxembourg (1900),
des Catalans (1904) ainsi que le superbe Viaduc de Fonpédrouse ( présenté dans le Supplément
Sciences et Techniques au Bulletin Général de l’AFPT, N° 25-Octobre
2000) sont
les jalons principaux de son œuvre, riche en innovations.
Figure N°3 :
Séjourné (Photo collection ENPC) |
Les plus importantes concernent :
=
le calcul et la conception des cintres : il démontre l’intérêt de la
construction des voûtes par rouleaux successifs et du clavage de ceux ci
par tronçons. : au lieu de construire un cintre unique (et donc coûteux)
pour l’ensemble de l’ouvrage comme on l’a fait à partir de la
Renaissance, on n’utilisera qu’un cintre partiel plus léger,
rationnellement défini et calculé , retrouvant ainsi une pratique
empirique des Romains et du Moyen-Âge.
=
et surtout : la voûte elle même : à Luxembourg Séjourné va la dédoubler
en deux minces anneaux reliés entre eux par le tablier, ce qui fera
porter les efforts par des voûtes séparées, plus légères à supporter par
les culées. Procédé systématisé par la suite par lui et beaucoup de ses
disciples.
Même si plus tard, les conditions
économiques vont conduire à l’abandon de la maçonnerie de pierres pour
les ponts et viaducs de grande dimension au profit de l’emploi du béton,
le rayonnement de Séjourné sera mondial. Les ouvrages inspirés par cet
ingénieur se comptent par centaines. Plus de 140 ont été recensés, rien
que sur les chemins de fer français. Son œuvre maîtresse de Luxembourg a
d’ailleurs donné lieu à la définition d’un « type Séjourné ». très
caractéristique des ouvrages ferroviaires.
|

Figure 4b :
Timbres du
Luxembourg, yt 134, émission de 1921-22
et Timbre de
service yt 147, surcharge rouge « officiel » |

Figure 5 :Le pont de Sidi-Rached à Constantine, sur le Rummel,
construit en 1912 ; timbre
Algérie, yt 88 |

Figure 6:Pont
de Killing à Verma sur la ligne du Sørland,, Norvège, timbre yt 758 de
1979 |
Le
Pont Adolphe : présentation sommaire
Deux arches en pierre maçonnées le
constituent, séparées par un intervalle de 6 mètres. Sa portée est de
84,65 mètres et son élévation de 31.

Figure n°7 Illustration tirée de l’ouvrage de Marcel Prade
« Ponts et viaducs du XIX° siècle, page 372 |
Jusqu’à la réalisation en 1904 du pont
Frédéric-Auguste à Plauen en Saxe, ce fut la plus grande arche en
maçonnerie du monde. Avec 90 mètres, celle-ci ne la surpassa cependant
que de quelques mètres. Le précédent record tenait depuis cinq siècles
(pont de Trezzo sur l’Adda par Barnabo Visconti en 1377, portée : 72,50
mètres)
. Ces deux arches sont reliées par le
tablier. Particularité : ce dernier est en béton armé, matériau employé
dans les ponts depuis une dizaine d’année après le dépôt des brevets du
français Joseph Monier puis appelé par la suite à un développement
considérable sous l’impulsion de François Hennebique (à partir du pont
de Châtellerault), jusqu’à provoquer le déclin de la maçonnerie et
devenir le matériau dominant du XX° siècle.
Séjourné a mis tout son talent dans la
conception. L’intrados est un arc de cercle cambré, la corniche est
inspirée des remparts environnants. Un léger parapet à balustres court
d’un bout à l’autre sur les quelques 153 de long que compte la totalité
de l’édifice.
Figure n°8. Emission de 2003 -yt1554:
A fait l’objet de deux
tirages, suite à
un vol massif à la sortie de l’imprimerie
|

Les cartouches sont aux armes du Grand-Duc Adolphe.
Figure n°9 .Illustration
tirée de Marcel Prade
(ouv.précité)
La grande voûte supporte à chaque
extrémité 4 voûtelettes d’élégissement qui accentuent l’impression de
légèreté
Ses retombées ont par ailleurs été
particulièrement soignées.

Figure n°10
Timbre Luxembourg yt 265
Figure 11. Illustration tirée de Marcel Prade (idem |
De part et d’autre, cette voûte comporte
deux arcs complémentaires, d’une ouverture de 21 mètres chacun. Dans le
ciel de la capitale du Grand-Duché, l’ensemble, avec son arche élancée,
est une belle source d’inspiration pour les peintres.
(
figures n° 12a et 12b
Timbres Luxembourg yt 655 et
658.). |
Une réalisation franco-luxembourgeoise.
A l’étude depuis 1878, ce pont fut
définitivement décidé fin du XIX° siècle à l’occasion de la définition
du projet de tramway Luxembourg – Eternach qui se devait de disposer
d’une liaison directe avec la parie haute de la ville de Luxembourg,
échancrée par la vallée de la Pétrusse La réalisation fut d’abord
confiée à l’Ingénieur en Chef des Travaux Publics du Luxembourg, Rodange
qui produisit un premier avant- projet, fortement critiqué au plan
local. Appelé en consultation pour sa compétence internationalement
reconnue, Séjourné déposa son avis en 1898 et proposa d’autres
solutions, qui furent retenues.
La première pierre fut posée à la date
symbolique du 14 juillet 1900 et la construction confiée à l’entreprise
Fougerolle pour la maçonnerie , l’entreprise Coignet pour la dalle
d’origine en béton armé (ce tablier a été reconstruit en 1960).
Dans un contexte international de montée
de tension entre l’Allemagne et ses voisins, cette coopération donna à
ce petit pays germanophone l’occasion d’affirmer
l’indépendance et la
neutralité du Grand-Duché qui avait été garantie une trentaine d’année
avant, par le traité de Londres du 4 mai 1867
Figure n°
13
Timbre yt 698
.
Cette neutralité sera cependant bafouée à deux
fois par l'Allemagne voisine durant les deux conflits mondiaux. Clin
d'oeil de l'histoire: durant la seconde guerre mondiale, l'occupant
nazi n'hésitera pas à "récupérer" l'image du "pont franco-luxembourgois"
, preuve s'il en est de la fascination exercée par l'oeuvre magistrale
de Paul Séjourné sur tous ceux qui ont eu l'occasion de la contempler !

(Figure n° 14.
Entier postal allemand,
surchargé Luxembourg, cachet oblitérant illustré du 1.10.41)
Figure
15
(Luxembourg YT 896)
En fin de compte,
le timbre émis en 1977 dans la série Europa illustre d'une manière
plus actuelle la vocation symbolique du Pont Adolphe: l'ouvrage y
est en effet associé à un bâtiment qui fut longtemps le siège de la
Banque Européenne d'Investissement. Cette vignette vient ainsi nous
rappeler que, dans la première étape du processus d'unification
européenne déclanché dans l'après II° Guerre, Luxembourg fut, avec
Bruxelles et Strasbourg, le théâtre d'importantes décisions
historiques en même temps que le siège de plusieurs institutions de
l'Europe nouvelle.
Michel Krempper
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